KONSUMATOR (5E PARTIE)

konsum.jpgPhoto courtesy MiXpiX

 

Faut compter environ 90 euros pour acquérir un engin de mon espèce. Vu ce qu'on rapporte aux caisses, c'est pas un placement astronomique. Enfin, ma dame paie son impôt hebdo à Carrour, le supermarché qui m'a acheté. Ca fois cinquante semaines, c'est assez sérieux au final. Ils devraient être potes les clients et les patrons de Carrour : hé ben non; si, un peu, avec les promos. 

Nous retrouvons les boutiques de la galerie. Ma dame avait ralenti à l'aller devant une vitrine bio. C'est plus fort qu'elle, elle entre. Elle a craqué pour je ne sais quoi. Moi, le bio tout ça, ça me fait doucement rire. Je lui préfère le ''Eat what you grow'' (mange ce que tu fais pousser) des rastas. J'avais entendu cela à la radio, un jour où un rider déchargeait dans son coffre. Et ça m'a fait réfléchir. D'ailleurs, je supporte de plus en plus mal mon rôle là-dedans. Suis qu'un trait d'union entre l'entrepôt et le consommateur. Un trait d'union entre le business et la petitesse, l'inertie humaine. Je pactise avec la consumation de ce monde. Mais je veux plus. Ma claque. Encore plus depuis qu'une petite voix me dit tous les matins « arrête tes conneries ou bien un de ces quatre j'interviendrai... ». Ma dame a été happée par une vendeuse qui vomit des paroles vénéneuses : hypnotisor, mesmerizor ! Tiens, mais, la petite voix. Qu'est-ce qu'elle fout là ? On n'est pas le matin à ce que je sache. 

 

  •  Bonjour Konsumator 

  • Bonjour la voix 

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  • Je te dérange ?

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  • Pas du tout

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  • Sais-tu que dans moins d'une heure, tu seras de nouveau dans ces lieux aux lumières trop blanches ?

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  • Non, enfin je me doute un peu, le samedi, ça carbure sec

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  • T'en as pas marre de faire la navette ? D'être cantonné à ce parking, à ces allées, ces rayons, ces jingles merdiques ? T'es pas bête Konsumator, tu pourrais faire autre chose que servir leur cause, non ? Tu mérites ça ?

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  • J'y ai déjà songé, mais pour aller où ? Ils me chasseront, me retrouveront ici ou ailleurs et je reprendrai ma place dans la queue...

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  • Konsumator, ne doute pas, j'ai le pouvoir de t'aider, mes capacités dépassent l'entendement. Je peux rendre l'imaginaire réel. Tu sais, l'imaginaire n'est qu'un avenir potentiel du réel.

Je mate à l'intérieur et ma dame manipule encore des produits, on dirait de petites bouteilles, sous l'oeil avide de sa pourvoyeuse. Elle est occupée.

  • Oui certes, je veux bien, mais que me proposes-tu ?

     –Non, que veux-tu ? 

      - Hé bien, vivre à la campagne, pour côtoyer la vie, non pas des poires en boîte de conserve ou des patates en filet ou des poulets à moins vingt degrés tu vois, j'en peux plus de ça. Et du goudron et du béton encore moins. J'veux du vivant, du vrai et plus  d'emballage, tu comprends ?

             –Oui, parfaitement, et c'est dans mes cordes. On essaie ?

             –On essaie ?

 

 

 

 


 

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