KONSUMATOR (6E PARTIE)

 Photo courtesy MiXpiX

Pour la première fois depuis ma sortie des hauts fourneaux lorrains, je sentis de la force dans mes roulettes. Je poussai d'abord légèrement, elles répondaient. Immédiatement. Je repoussai, et un tour, deux tours, trois tours, ça roule, j'avance seul. Un gamin me regarde avec des yeux de lapin angora. Il avertit son frère. Merde, un collabo. Je devine des têtes qui se tournent vers moi. Je décide d'accélérer et une puissance prodigieuse vient décupler ma vitesse initiale d'escargot. En un éclair, je suis dehors devant le parking (aérien). Je ne guide plus rien, c'est la petite voix qui doit être aux commandes, nous gagnons une rocade, doublons des voitures, les conducteurs qui nous voient sont stupéfaits, beaucoup font des ha ! d'horreur. Une extrême minorité rigole. Mes roulettes me brûlent, première fois de ma vie. Faudra que je vois un réflexologue ou à défaut un podologue. Je ne vois plus rien. Le paysage, en tout cas des images, défilent en accéléré. De gris et noir comme le goudron des périph' je vois apparaître des tâches de vert maintenant. Le bruit s'épure aussi.

La petite voix décélère. Nous sommes dans une plaine vallonnée. Un noyer pleure ses fruits négligés à terre. L'automne attend l'hiver. Des vols de corbeau signalent ma présence de métal. Pas d'habitation alentour.

–Alors, ça t'a plu ?

–Euh oui, un peu speed quand même mais ce qui me plaît c'est ce qui m'entoure là, tout de suite

–Satisfait alors ? 

–Oui, on bouge plus ! Et dis-moi, qu'est-ce qu'on va faire de tous les achats de ma petite dame ? 

–Bonne question, la réponse tombera sous peu, ne t'inquiète pas, ''sois'' confiance. Chaque chose en son temps.

–Entendu. En attendant, ça sera difficile d'évoluer sur cette charrière boueuse pour moi et mes roulettes à moitié calcinées. 

A cet instant, la petite voix métamorphosa tous les achats de la petite dame en insectes, rongeurs, oiseaux, graines, feuilles et mille autres trésors naturels.

–Je les rends à la matrice, fit-elle d'une voix devenue lente

Et les nouveaux venus prirent leur place dans la campagne environnante. Les rongeurs gagnèrent le taillis le plus proche, les graines prirent le train d'éole et les insectes disparurent dans les terres grasses fraîchement emblavées. 

–A quoi dois-je m'attendre ? demandai-je inquiet

–Je n'ai pas le pouvoir de transformer humainement, j'ai mieux pour toi.

– Gloupss, entendit-elle