KING BEE (1RE PARTIE)

Publié le par Vincent Leclair

 

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King bee jouait le blues depuis des lustres dans ce rade de la Nouvelle-Orléans adossé à la digue conçue pour contenir le Mississippi. King bee, c’était son surnom ; c’était aussi le nom du groupe de rythm and blues qui lui avait procuré un semblant de gloire locale au début des années quatre-vingts. Avec ses cheveux gavés de brillantine et de teinture noire corbeau indélébile, il défiait le temps et les modes qui assaillaient sa musique. Lui se cantonnait à ses maîtres, Robert Johnson en tête, à son son, celui de sa Gibson qui partageait son existence depuis un quart de siècle. A bientôt soixante ans, King bee se produisait six soirs sur sept pour quelques billets qui l’autorisaient à louer son deux pièces présentable, à manger chaque jour, à s’habiller proprement et à se soigner.


Quand il arrivait vers vous, il affichait l’expression du gamin qu’il avait été dans les années cinquante. En ce temps-là, il courait les rues de sa ville, ses cheveux crépus trempés de sueur, rarement accompagné d’autres enfants car ce qu’il aimait le plus, c’était écouter et parler avec des grandes personnes. Mais pas n’importe lesquelles. Il y avait tout d’abord Jim, guitariste éternellement au chômage qui décochait ses chansons le soir venu sur le trottoir au pied de son immeuble. Jim occupait ses après-midis à discutailler avec des copains, à refaire le monde surtout. 


- Pourquoi vous parlez toujours de choses qui n’existent pas ? demanda le gamin.
- Parce qu’on n’a que ça ! s’exclama Jim en posant sa guitare sur ses genoux.
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